Articles de presse
Le courrier de l’escaut : Des solutions saines pour l’agriculture
(21/10/2015)
Alors que la colère des agriculteurs gronde, la coopérative Agrisain-Coprosain montre qu’il est possible de trouver des solutions durables.
Audrey Ronlez
Il y a 40 ans, alors que la laiterie de Ghislenghien venait de fermer ses portes, les producteurs laitiers de la région craignaient déjà pour leur emploi et voulaient déjà se faire respecter. Comme d’autres agriculteurs de la région d’ailleurs ! « On avait fait le constat que les fermes familiales étaient réellement coincées entre la grande distribution et l’industrie agroalimentaire », se souvient Jean Frison, un des fondateurs de la coopérative Agrisain.
Il faut dire qu’après guerre, on a demandé à tous les agriculteurs de produire à profusion pour nourrir la population, alors que l’agro-industrie s’occuperait de transformer et la grande distribution de commercialiser les produits. « Ce que les agriculteurs n’avaient pas pu apercevoir à l’époque c’est que, via cette façon de travailler, ils allaient perdre leur pouvoir de décision sur leur production, mais surtout sur son prix de vente », a rappelé Paul Vankeerberghen. Une maitrise de leur « outil » qu’ils n’ont d’ailleurs toujours pas retrouvée à l’heure actuelle…
Mais, il n’a pas suffi il y a quatre décennies, de faire ces constatations pour parvenir à trouver une solution. Si, « cette philosophie de groupement d’agriculteurs en coopérative prend aujourd’hui tout son sens et est une des pistes pour que nos jeunes agriculteurs s’en sortent avec des petites fermes familiales », à l’époque, c’était surtout une idée loufoque et utopiste.
« Agrisain et Coprosain ne sont pas nés d’un coup de baguette magique », développe Jean Frison. « Nous n’avons pas pu semer tout de suite. Il a d’abord fallu travailler la terre… » Des petites réunions de producteurs du début, la coopérative a bien grandi. « La première fois, nous étions 3 ou 4 sur le marché d’Ath à vendre nos produits, tels quels. A présent, nous sommes 45. »
Mais avant d’en arriver là, ces fondateurs avaient dû établir les règles et critères de production. « La base était d’avoir une ferme mixte (culture et élevage) où la terre et les récoltes nourrissent les animaux. » Ce fut ensuite la formation de groupes de consommateurs et l’apparition de Coprosain (qui s’occupe de commercialiser les produits du groupement de producteurs Agrisain).
Un cheminement qui a permis à un certain nombre de passionnés de « reprendre en main leur pouvoir de décision en tant qu’agriculteur et maîtriser leur production, la transformation et la commercialisation de leurs produits. »
Une démarche qui a sauvé des dizaines d’exploitations grâce à des prix de vente équitables et stables, mais qui permet aussi aux consommateurs de bénéficier de produits de qualité, facilement accessibles. « Nous avons comparé les prix et pour des produits similaires, nous sommes même très souvent moins chers qu’en grande surface. Par contre, le producteur touche un juste salaire pour le travail fourni et pour la qualité de ses produits. Prenons l’exemple du porc où, dans le circuit traditionnel, l’éleveur est payé 1,30 E du kilo alors que son prix de revient avec notre cahier des charges est de 1,75 E le kilo. Et chez Coprosain, nous le payons 2 E du kilo. »
De quoi laisser certains agriculteurs rêveurs…